"Hétérochronie"
Conductor:Simon Njami
Pour la première fois le workshop AtWork s’est entièrement basé sur l’image photographique, en rencontrant des photographes en herbe, des vidéastes et des curateurs. Un workshop richement suggestif qui a vu les étudiants se concentrer sur une “session critique” concernant leur propre production et qui s’est terminé lors de l’inauguration de l’exposition personnelle du photographe Santu Mofokeng, vainqueur du Premio Internazionale per la Fotografia 2016.
“La photographie est l’espace de l’hétérochronie. C’est le lieu où s’entrelacent plusieurs temps au même moment. Le moment où je vois l’image que je veux saisir et le moment où j’appuie sur le bouton de ma caméra sont déjà deux moments différents et lorsque quelqu’un regardera cette image ça sera encore un autre moment. Pour cela la photographie est selon moi la plateforme parfaite, le parfait exemple pour s’occuper d’hétérochronie.”
Simon Njami, leader AtWork Modena
Le Chapitre de AtWork Modena a été réalisé en collaboration avec Fondazione Fotografia Modena et a concerné 21 étudiants de la première et de la deuxième année du master en haute formation sur l’image contemporaine et du cours pour les curateurs, ainsi que Mohamed Keita, jeune photographe de la Côte d’Ivoire. Hétérochonie est le thème choisi par Simon Njami pour ce nouveau Chapitre de Atwork. C’est à dire une rupture du temps réèl qui introduit l’idée d’un espace temps multiple à travers lequel reconsidérer les différentes pratiques artistiques et d’utilisation jouissive de l’art. Le 6 Mars la Fondazione Fotografia Modena a aussi annoncé le gagnant du Prix International de Photographie 2016 en la personne de Santu Mofokeng. L’exposition personnelle de Mofokeng développée par Simon Njami a été inaugurée au Foro Boario de Modène le dernier jour du workshop, évènement par lequel les étudiants ont pu immédiatement se rendre compte des implications pratiques concernant ce qu’ils avaient appris à propos de l’hétérochronie, et cela à travers les images atemporelles du maître Mofokeng.
“Pendant le workshop, nous, étudiants de photographie, y compris les vidéastes avons été constamment acculés, contraints à remettre en question nos pierres angulaires et nos certitudes, nos objectifs et nos grands amours. Nous avons été poussés à regarder profondément à l’intérieur de nous-même, avec et sans caméra ou appareil photo, et à faire ce que de plus en plus rarement on est disposé à faire : à considérer les choses depuis d’autres points de vue”
Sara Vighi, participante de AtWork Modena
Simon Njami est commissaire indépendant, professeur, critique d’art et écrivain basé à Paris. Il est le co-fondateur et éditeur-en-chef de La Revue Noire, une publication d’art contemporain Africain extra-occidental. Il a été le directeur artistique de la Biennale de la photographie africaine de Bamako pendant dix ans, et commissaire du premier pavillon africain à la 52ème Biennale de Venise en 2007. Njami a réalisé de nombreuses expositions d’art africain et de photographie, y compris Africa Remix (2004/2007) et la première foire d’art africain qui a eu lieu à Johannesburg en 2008. Sa nouvelle exposition, La Divine Comédie, a commencé un tour mondial en 2014 depuis le MMK, Musée d’Art Moderne de Francfort, pour continuer au SCAD Museum of Art (Savannah, USA) encore en 2014 et au Smithsonian Museum of African Art (Washington DC, USA) en 2015. Njami est directeur des masterclasses panafricains de photographie, projet qu’il a conçu avec le Goethe Institute, et il est aussi directeur artistique de la Fondation Donwahi en Côte d’Ivoire et le conseiller pour la collection Sindika Dokolo, et enfin, il est le secrétaire du jury spécialisé du prix World Press Photo.C’est le directeur artistique de la première édition de la Biennale Off du Caire (2015) et de l’édition 2016 de Dak’Art, la biennale d’art de Dakar, Sénégal, la première et la plus importante biennale d’art contemporain du continent africain.
“Si tous les fondamentalistes ou colonisateurs dans le monde avaient lu quelque chose à propos de l’hétérochronie, le monde aurait été différent. Parce que l’hétérochronie leur aurait appris qu’il n’y a rien qui puisse faire imposer ton temps sur le temps de quelqu’un d’autre.”
Simon Njami, leader AtWork Modena
Après un premier débat autour du thème du workshop “Hétérochronie” qui a ouvert multiples possibilités de réflexions, les étudiants ont été invités à produire des photographies qui rompaient avec leur manière habituelle de travailler, en imaginant de se retrouver en un lieu et dans un temps différents de leur contemporaneité. Dans ce flux déconstructif et aliéné, qui sert à déplacer l’objectif sur des sujets jamais connus auparavant, les étudiants ont pu dilater le temps de la réfléxion pendant quelques semaines au-delà de la fin du workshop, en utilisant les carnets Moleskine comme journal intime ou comme des machines à remonter le temps dans lesquels recueillir toutes les suggestions liées à la rupture du continuum espace-temps. Le projet final porté par ces carnets aura pour thème “une journée particulière” raconté de manière hétérochronique.
Il est possible d’apprendre à s’orienter aujourd’hui dans l’espace et le temps seulement à partir de l’acceptation de la fragmentation comme état des choses. La vision homogénéisée de la realité, une fois abandonnée, car elle contraint les différences, les synchronies et les diachronies à une unité innaturelle, permet alors de découvrir la valeur créative qui se cèle dans la rupture et qui peut s’exprimer grâce à l’art. Les carnets Moleskine, en suivant la trace de “une journée particulière” sont devenus le tissu temporel le long duquel s’est déposée jour après jour l’expérience, donnant naissance à 19 œuvres inédites et créatives, produites par les étudiants lors des semaines qui ont suivi le workshop.
L’exposition, qui s’appelle “24 hours”, est commissaires par Erika Molta et Silvia Vercelli, étudiantes du cours curateurs 2016 de Fondazione Fotografia.